samedi 29 mars 2008

La légende de la fondation de l'abbaye de Saint-Mihiel

Ferme Saint-Christophe - Saint Mihiel (55)

La légende :

e comte Wulfoad et la comtesse Adalsinde tout deux châtelains du château de Dripion (Heudicourt), proche de Saint-Mihiel, partirent en pèlerinage sur le mont Gargano en Italie du Sud. Là, le puissant seigneur fit la promesse à Dieu de bâtir une église dédiée à Saint-Michel. Pour l’aider dans sa tâche les prêtres lui donnèrent des reliques à placer sous l’autel de la future construction. Ils revinrent donc avec des reliques de Saint-Michel et afin de déterminer l’emplacement de l’édifice, Wulfoad confia les saintes reliques à un chapelain qui le suivrait continuellement. Celui-ci avait comme tâche de prier et de guetter une manifestation divine indiquant le choix céleste pour l’implantation de l’église. Un jour de chasse, lors d’une halte pour prendre quelque repos sur le mont Castillon, le chapelain accrocha la bourse contenant les précieuses reliques à la branche d’un noyer. La nuit commençait à tomber et pour tous la fatigue se faisait grandement ressentir. Le groupe repartit donc en direction du château, et l’épuisement aidant, le chapelain oublia le reliquaire suspendu au noyer.

Le lendemain, de retour sur les lieux de l’oubli, il fut impossible de reprendre les reliques. Les branches semblaient fuir les mains de ceux voulant les attraper. Et même en grimpant sur le tronc, l’entreprise fut un échec. Plus on s’approchait de la bourse et plus la branche la mettait hors de portée.

A la vue du phénomène l’assemblée cria au prodige et reconnut là la volonté de Saint-Michel d’être vénéré en ces lieux. Le seigneur Wulfoad prit alors une hache et commença à couper l’arbre merveilleux pour y déposer la première pierre de l’autel. A ce moment, le reliquaire descendit de lui-même à portée de mains. Fidèle à sa promesse, le seigneur traça immédiatement l’enceinte de la basilique et les travaux commencèrent dès le lendemain.


Les racines du noyer furent conservées et de nombreux rejetons sortirent de terre traversant les murs de l’église et revêtant ainsi les murs extérieurs de rameaux verdoyants. Selon les moines, les fruits de ces noyers avaient le don de soigner les malades de toute la contrée.


Les variantes :

Il arrive de voir Wulfoad propulsé maire du palais d’Austrasie ce qui, nous le verrons, est du à une confusion avec un homonyme.

Une des principales variations porte sur l’origine du transport des reliques par le chapelain. Certaines versions y voient là uniquement une sorte de porte bonheur dont Wulfoad ne se séparait jamais.

La seconde variation importante porte sur le noyer. Je n’ai trouvé qu’une version de la légende y faisant allusion. Mais cette source est suffisamment « fiable » pour que je la mentionne dans mon texte. Dans les autres versions, l’arbre est quelconque. Il va bien sûr empêcher au groupe de reprendre le reliquaire mais n’aura pas de vertus curatives comme dans notre version. En général, Wulfoad n’a pas besoin de prendre de hache pour pouvoir mettre la main sur les reliques. Il lui suffit de promettre de construire le saint édifice pour que la bourse tombe à ses pieds.


La réalité :

Nombreuses sont les légendes où un fait miraculeux détermine la position d’une abbaye ou d’une chapelle. Nous avions déjà vu à quelques kilomètres de là, ce qu’il advint des reliques de Saint Paul. Il existe une légende directement inspirée de la légende de l'abbaye de Saint-Mihiel qui se déroule beaucoup plus loin, mais qui fait également intervenir Saint-Michel.

En route pour le mont Saint-Michel, un pèlerin désireux de faire honorer une relique, apporte un peu de lait de la vierge. Se reposant en chemin, il accroche son sac à une aubépine. A son réveil, l’arbuste à tellement grandit qu’il ne peut plus atteindre son précieux chargement. Pour le pèlerin le signe est indiscutable, la relique veut rester ici. La population du village d’Aurion, où se déroule le miracle fait venir sur place l’évêque. Une fois devant l’arbre, l’évêque promet de faire construire un sanctuaire dédié au culte de la Vierge. Aussitôt dit, l’aubépine se courbe pour permettre à l’évêque de reprendre la sainte relique.


La similitude entre les légendes est assez étonnante et l’influence de l’une sur l’autre flagrante.

Et pour preuve que les légendes ont tendances à bien voyager, voici une troisième version. La ressemblance est encore plus grande quand on sait que Wolfang est une autre orthographe de Wulfoad.

Saint-Morand obtint de Chilpéric II la permission de se rendre à Rome. Celui-ci passa par Reims où on lui donna quelques reliques des vêtements de Saint-Rémi. L’évêque Morand confia le reliquaire à Wolfang, son chapelain, qui, près du mont Bardon, au passage des Alpes, le laissa suspendu à un arbre. Evidemment il fut impossible de le reprendre sans promettre d’y construire là une église.



L’abbaye Saint-Michel :

Comme nous l’avons vu dans la légende des dames de Meuse, l’abbaye fut très influente et est notamment à l’origine du nom de la ville de Saint-Mihiel. Le bâtiment était constitué de trois églises. La première église était celle du couvent. Elle fut évidemment dédiée à Saint-Michel. La seconde église était dédiée à la Vierge et réservée à la comtesse. La troisième église fut placée sous l’invocation de Saint-Martin, de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Celle-ci était celle du comte. L’abbaye fut bâtie au lieu-dit « Le Castillon », semblerait-il dans l’enceinte même de la forteresse de Wulfoad. Aujourd’hui sur les lieux de la légende se trouve la ferme Saint-Christophe.


La date de la fondation de l’abbaye varie selon les sources.

Une chronique de l’abbaye de Saint-Mihiel voit sa fondation en 709, mais nous verrons que cette date est contestée. En 755 (ou 756) l’abbaye change de mains. Pour punir Wulfoad de la prise d’arme contre son lui, Pépin le Bref cède l’abbaye aux moines de Saint-Denis. Un peu plus tard, au cours du IXème siècle, le très influent abbé Smaragde fait transférer l’abbaye du mont Castillon vers les bords de Meuse. Autour de cette abbaye, une ville va prospérer, c’est l’actuelle Saint-Mihiel, contraction de Saint-Michel. En 884 Charles-le-Chauve révoque la donation faite aux moines de Saint-Denis qui retrouve alors son autonomie. L’abbaye va prospérer tant sur le plan financier que sur le plan intellectuel, mais la tornade de la révolution mettra brusquement fin à l’histoire des abbés de Saint-Mihiel.

La date exacte de la fondation de l’abbaye est soumise à caution. En effet une seconde source contredit la première et voit sa fondation entre 755 et 772 suite à la confiscation des terres de Wulfoad par Pépin-le-Bref. Nous ne retiendrons pas cette date car nous avons vu qu’en 755 l’abbaye existe déjà (en tout cas si l’on en croit les autres sources d’informations). On trouve également parfois implicitement mentionner les années 730, qui correspond à une période possible pour la fondation de l’abbaye.

D’autres sources moins fiables placent la fondation de l’abbaye en 660. En fait nous allons voir qu’il s’agit là d’une erreur.



Wulfoad : Un Wulfoad peut en cacher un autre.

Certains textes rattachent la légende à Wulfoad, maire du palais d’Austrasie de 656 à 661 et de Neustrie de 673 à 675. Bien que ce soit à lui que l’on pense immédiatement, ce n’est pas lui qui intervient dans la légende. Mais voila pourquoi des sources ont placé la fondation de l’abbaye en 660.

En fait le Wulfoad qui nous intéresse est bien moins connu, mais est aussi Austrasien. On trouve plusieurs orthographes possibles : Wulfoad, Wulfoade, Vulfoad et encore Wolfang. Celui-ci fut bien seigneur dans la Meuse. Il avait la forteresse du Castillon, une butte près de Saint-Mihiel, là même où se déroule la légende.

On ne sait pas grand-chose sur ce seigneur, sinon qu’il était très puissant. Son père, Sislarame, était un des plus riche seigneur de l’Est. Il eut bien pour femme Adalsinde dont la famille possédait également un rang élevé. Wulfoad était donc très riche, mais il semblait également très généreux.


Mais notre bon Wulfoad fit une erreur stratégique qui précipita sa fin. Il arma discrètement (mais pas assez) son château qui dominait la Meuse, en prévision, semble t’il, de servir de camp retranché aux adversaires de la domination de Pépin le Bref. Pépin le fit arrêter et le fit juger. Sa peine : la mort et la confiscation de tous ses biens, dont sa forteresse du Castillon et bien sûr son abbaye qui revint aux monastère de Saint-Denis. Fulrad, le futur saint, réussira à obtenir la clémence de Pépin-le-Bref, qui épargnera finalement la vie de Wulfoad. On ne sait trop comment l’homme finira sa vie, mais il semblerait que des fouilles dans l’ancienne abbaye permirent d’y retrouver son corps.



Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la ferme Saint-Christophe. La ferme est une propriété privée. C'est un très beau lieu de promenade, surtout qu'il y a un intéressant menhir (Damechonne) à proximité.


Légendes thématiquement proches :


Légendes géographiquement proches :


Bibliographie :

Histoire ecclésiastique de la province de Trèves. Clouet. 1851. Pages 52-68.

En passant par la Lorraine : la jeunesse d’Emile Guérin entre 1892 et 1916. http://gjgg.free.fr/priv/guerr14_18/chap10.htm

Histoire des villes de France : Saint-Mihiel. Aristide Guilbert. 1845. Pages 612-614.

La légende de la fondation de l'abbaye d'Evron. Académie de Nantes / Jackie Poussin.

http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/disc/histgeo/territoi/53/basiliq/legend.htm

Fulrad. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Fulrad

France Pittoresque. Abel Hugo. 1835. Page 253.

Wulfoald. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Wulfoald. (Il s’agit du maire du palais d’Austrasie).

Histoire du royaume mérovingien d’Austrasie. Alexandre Huguenin. 1862. Pages 596-599.

jeudi 20 mars 2008

[Conte] Les Peutones

Moselle (57)


Le conte :

u cœur de la forêt, des volutes bleues s’élevaient lentement de plusieurs meules à charbon. Chan Colas, charbonnier depuis de nombreuses années, faisait le tour des ses fours pour suivre l’avancement de la combustion. La routine anesthésiait son esprit. Il s’assit sur un fagot et regarda pensivement monter la fumée. Il n’avait pas toujours était charbonnier, mais il avait toujours travaillé dur. Une vie simple et austère fait de travaux dans les champs, de repas simples et frugales et de privations. Mais il y avait le violon.


Le violon était la raison de vivre de Chan. La passion de la musique l’animait et se transmettait aux danseurs et à leurs cavalières dès que l’âme du violon se mettait à vibrer. Perché sur l’estrade, il était le roi de la fête et on venait de loin pour l’entendre et danser le quadrille dans les bals de villages. Les plus jeunes partaient dans des danses endiablées tandis que les plus anciens écoutaient le violoneux, les yeux embués de souvenirs. Oh, ce n’était pas de la musique savante, mais elle savait toucher directement le cœur de son auditoire.


Mais le vent du changement se transforma en bourrasque pour Chan. Au fur et à mesure la mode venant de la capitale remplaça les quadrilles de notre violoneux par d’autres danses. On commença à faire moins souvent appel au musicien qui dut travailler dans les champs même le dimanche pour pouvoir nourrir sa famille. Il était maintenant charbonnier, et de violon il n’avait plus.

Il en était là dans ses pensées quand, soudain, une vingtaine de petits êtres avec de longs visages contournés, des petites jambes arquées l’entourèrent. Ils portaient des vêtements bariolés et des capuches pointues coiffaient de grandes chevelures rouges. « Bonjour Chan ! » « Bonjour Colas ». Et tous de vouloir serrer la main de Chan. « Mais ce sont des Peutones rouge des bois » se dit le Charbonnier croyant rêver. Tout en leur serrant la main à tous, il repensa à ce que les anciens racontaient sur eux. On leur attribuait entre autre le fait d’être fantasques et drôles.

Bien que surpris Chan proposa aux Peutones l’hospitalité. Il avait des pommes de terre bien chaudes sous la cendre de ses meules à charbon, des fruits dans sa cabane et il pouvait confectionner des lits de feuilles comme le sien. Mais ce n’était pas se qu’attendaient les petits êtres. Un d’eux s’adressa au charbonnier : « Chan Colas, s’il te plait, fais nous danser au son de ton violon ». Et tous de reprendre d’un ton joyeux « Joue pour nous de ton violon, fais nous danser toute la nuit ! ». Chan fut étonné de cette demande. Voila bien longtemps que l’on ne lui avait pas demandé de prendre son violon. Le vieil homme était ému et fier, mais dut répondre tristement. « C’est avec grand plaisir que je vous aurai fait danser, mais je n’ai malheureusement plus de violon. »

Alors qu’il finissait sa phrase, il vit un des Peutones venir à lui avec un des plus beaux violons qu’il n’eut jamais vu. Il le prit avec empressement et attaqua immédiatement un quadrille. Les petits êtres se mirent immédiatement en formation et dansèrent avec une joie évidente. Chan se sentait revivre. Il joua avec ardeur et fougue, enchaînant sans interruption les quadrilles et autres danses. Les danseurs répondaient au son du violon par des rires, des cris et des applaudissements. On fit des danses joyeuses autour des meules fumantes alors que le violoneux chantait à tue-tête des chants de la région.

Déjà le soleil commençait à illuminer la cime des arbres et les petits hommes rouges virent tous embrasser Chan pour le remercier de cette si belle nuit.

« Merci Chan. Le violon est à toi, garde le. Et pour te remercier de nous avoir fait passer un si bon moment, nous allons te faire un cadeau. Quand tu renverseras ta meule de charbon, creuse au milieu. Tu trouveras le présent que nous te faisons. Le charbonnier accepta avec plaisir le violon et les petits êtres regagnèrent le cœur de la forêt.

Chan se mit tout de suite à l’ouvrage encore empli des mélopées de la nuit. Il travaillait comme à son habitude de manière consciencieuse, mais sans plus penser au trésor promis. Il fit basculer sa meule, étala les charbons pour les laisser refroidir puis, après quelques heures, mit le tout dans de grands sacs. Par acquis de conscience il creusa tout de même au milieu de la meule. Et c’est tout tremblant qu’il trouva une petite caisse avec ces quelques mots sur le couvercle : « Don des Peutones à leur ami le violoneux. »

Chan Colas devint riche, mais son caractère conserva cette générosité et cette amabilité qui l’avaient toujours caractérisé. Il offrait toujours ses services avec plaisir et aidait au besoin les plus nécessiteux. Une chose changea toutefois, il se fit construire une maison en bordure de la forêt. A ceux qui lui demandaient pourquoi ce lieu, il répondait systématiquement que c’était pour ne pas déranger les voisins avec son violon. Mais si quelqu’un avait pu sonder son âme il aurait su que la réalité était autre. Il habitait là pour montrer sa reconnaissance aux Peutones. Le soir, alors qu’il jouait du violon devant chez lui, il aimait à espérer que de petits êtres au capuchon pointu, puissent profiter de sa musique pour s’amuser dans des danses endiablées.



La réalité :

Ce texte est basé sur la version de Désiré Ferry qui parut dans « Le pays Lorrain » en 1905. Vous pouvez retrouver le texte original autrement mieux écrit sur le site

. Vous en trouverez une autre version mais à priori basée sur le même texte par là.

Nous voila au prise avec des Peutones, étranges petits personnages au capuchon pointu, aux cheveux rouges, et aux vêtements bariolés. Si le terme en lui-même est assez inhabituel on a évidemment à faire à des lutins. Je n’ai trouvé aucune trace de ce terme, ni en français, ni en allemand, ni en platt. Peut-être faut-il voir la transformation de nuton (en wallon) ou nuilton (en ancien français).

Chan Colas c’est bien sûr Jean Nicolas, un nom on ne peut plus passe-partout. Le tout est mit à la sauce mosellane. Il s’agit surtout de noms génériques dans les contes lorrains. Les Colas, Nicolas, Jean, Chan, ect… sont les héros de nombres d’histoires où ils sont parfois admirables mais le plus souvent moqués.

J’avais projeté de vous raconter la méthode de production du charbon, mais je vais plutôt vous envoyer vers ce document exceptionnel où vous comprendrez tout en 60 photos. Simplement, pour bien comprendre le conte il faut savoir que le métier de charbonnier est un métier dur, et solitaire. Le charbonnier va devoir veiller sur sa meule pendant plusieurs jours pour contrôler la combustion du bois en bouchant ou débouchant des évents qu’il aura fait. Au cours de ces quelques jours il lui faudra charrier des quantités importantes de bois puis de charbon. Il lui faudra affronter la chaleur de la meule, et le froid de la forêt. Et surtout il lui faudra inhaler et s’imprégner beaucoup de fumée. Ceux qui ont déjà fait des feux de bois imaginent à quel point on peut sentir un charbonnier de loin. Je vous laisse donc imaginer l’odeur de Chan.


Je ne sais pas exactement comment était considéré le métier de charbonnier il y a quelques décennies, mais le conte nous montre assez clairement une opposition. D’un coté on a tout le coté « clinquant » du violoneux dans la fête de village, métier fait de fêtes et de monde. De l’autre la déchéance du passage au stade de charbonnier, métier pénible et retiré. L’apparition des Peutones au charbonnier, être en bas de l’échelle sociale, et même d’ailleurs descendu peu à peu en bas de l’échelle sociale, renforce le caractère moral du conte.


Légendes thématiquement proches :


Bibliographie :

Les Peutones. Désiré Ferry. Société d'archéologie lorraine. Le Pays lorrain. 1905. Année 2. p174-176.

Les contes de Roro. http://roroetfrancine.spaces.live.com/blog/cns!6FE42B7157AE999E!1032

Lutin. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Lutin

Vocabulaire de Wallonie usité pour désigner les phénoménes karstiques. Francis Polrot.

http://www.speleo.be/ubs/dossier/vocawal/lexique6.htm


Iconographie :

Paysage au charbonnier, l’hiver. Jules Bastien-Lepage.

Danse de Noces. Brueghel de Velours.

Nisse (gnome). Jean-noël Lafargue.

Meule de charbonnier dans la forêt. Ramassage des cendres. Yvonne Jean-Haffen.

samedi 15 mars 2008

La légende du lac de Puivert

Puivert - Aude (11)

La légende :

utrefois, le château de Puivert surplombait un immense et merveilleux lac. Une illustre princesse aragonaise vint un jour au castrum sur l’invitation de Jean de Bruyère, maître des lieux. Celle-ci tomba sous le charme du château mais surtout du lac qui s’étendait sous les tours. De par son amour des lieux elle prolongea son séjour à Puivert et finit par s’y installer définitivement. La dame toujours de blanc vêtu, à tel point qu’on la surnommait « la dame blanche », vieillit paisiblement sur les bords de son lac. Peu à peu, elle eut des difficultés pour se mouvoir et prit l’habitude de s’installer dans une roche creusée en forme de fauteuil. Elle y passait là de longues heures à contempler le clapotis de l’eau, à s’émouvoir de la paix des lieux ou à s’émerveiller devant les couchers de soleil qui embrasaient le lac. Elle restait assise, là, sur son trône de pierre, entourée de ses gens.


Le château de Puivert


De temps à autres, la pluie gonflait les eaux du lac. Parfois, le vent transformait les clapotis en véritables vagues qui déferlaient sur la rive. Ces jours là, le siège de pierre se trouvait submergé et inutilisable pour la vieille princesse. Alors la dame blanche devenait mélancolique et regagnait le château.

Un jour, un jeune et beau page, proposa une solution à la princesse. En faisant une brèche dans la muraille qui retient les eaux, le niveau du lac s’abaisserait et la roche serait toujours sèche.

Elle expliqua son projet à Jean de Bruyère, qui, ne pouvant rien lui refuser, entreprit les travaux. Malheureusement la brèche dans la pierre suffit à fragiliser suffisamment le roc pour que, sous le poids de l’eau, elle cède totalement. Et c’est un violent torrent qui gagna la ville de Mirepoix pour y causer morts et destructions. On dit que la dame blanche fut emportée par la fureur des eaux et que, les jours de pluie sur Puivert, on peut la voir à une des fenêtres du château. Depuis ce jour, de lac il n’y eut plus..



Les variantes :

Il existe de nombreuses variantes de cette légende. Il faut dire qu’elle semble relativement populaire. Elle a donc était souvent reprise et, du fait, modifiée. Pour vous conter cette légende je me suis servi de la version de Richard Bessière qui m’a semblé la plus fiable.

Il arrive que des légende parlent d’une princesse jeune et belle. Toujours amoureuse du lac, elle prend place parfois pour l’admirer, comme dans notre légende, sur une roche, mais de temps en temps sur un simple banc.

La variation la plus importante qu’il est possible de noter concerne l’origine de la destruction de la pierre servant de barrage. En effet, il arrive que la princesse ne soit que la victime du lac. Par un jour de pluie, plus important que les autres, les eaux du lac étaient particulièrement montées. La princesse voulut se rendre compte elle-même du fait et alla au bord de l’étendue d’eau. A ce moment, la roche faisant barrage céda, emportant les eaux du lac et la princesse.

L’apparition de la dame blanche se fait tantôt sur les bords du lac fantôme, tantôt au niveau du château. Dans certaines variantes l’apparition sert à prévenir ceux qui la voient d’un danger.

Le jeune page n’est pas une constante dans la légende. Parfois quand il apparaît tout laisse à supposer que l’on a à faire au diable : une trop grande beauté, une éloquence et charisme surhumain, etc.



La réalité :

Les dames blanches sont relativement indissociables des châteaux. Nous verrons par exemple qu’à quelques kilomètres de là, à Montségur, le château a également sa dame blanche. Moult légendes nous content une châtelaine ou une princesse frappée par le malheur et revenant hanter les lieux sous forme d’apparition blanche. Encore maintenant beaucoup de légendes dites « urbaines » mettent en scène des dames blanches. Qui n’a jamais entendu parler de la fameuse dame blanche faisant de l’auto-stop et prévenant le conducteur d’un virage dangereux avant de s’évaporer ?


Le lac :

Il existe aujourd’hui un petit plan d’eau aux abords de Puivert, mais le lac qui a existé ici avait des dimensions toutes autres. Selon Richard Bessière le lac s’étendait sur 5 à 6 Km d’Est en Ouest, et sur 3 Km du Nord au Sud. Il se base pour cela sur la géologie des lieux ainsi que sur les courbes de niveaux. Effectivement, en regardant la carte on peut voir une plaine propice à la formation d’un lac au sud de Puivert. Des textes anciens nous racontent la tragédie de la ville de Mirepoix qui se déroula en 1289 et qui serait la conséquence de la rupture du barrage naturel qui retenait les eaux du lac de Puivert. Ceci nous permet de dater la période de la légende. La ville qui se situe à 30 Km de Puivert fut détruite par les eaux et reconstruite de l’autre coté de l’Hers. On trouve souvent la date de 1279 pour l’inondation, mais cette date semblerait être due à l’erreur d’un copiste.



Le château de Puivert :

De très nombreux sites et livres abordent le sujet du château de Puivert, je vais donc faire relativement court. Le château actuel qui possède notamment un donjon en très bon état, date du 14ème siècle. Il est donc postérieur à notre légende.

Des traces de l’ancien château, celui de Jean de Bruyère, existent encore. Il est difficile de dire qui en est à l’origine et de quand il date exactement. Ce que l’on sait c’est qu’en 1152, il existe déjà et que Bernard de Congost en est le maître. Celui-ci est cathare comme beaucoup des seigneurs voisins à cette époque. La possession de Puivert par un seigneur cathare va faire évidemment passer les troupes de Simon de Montfort par là. Le château sera assiégé quelques jours par l’armée de Pons de Bruyère et va naturellement changer de main comme il était d’usage dans la lutte contre l’hérésie. Après une courte possession par Lambert de Thury, il entre en possession de la famille de Bruyère. Au début du 14ème siècle, Thomas de Bruyère (petit fils de Pons de Bruyère) fait reconstruire un nouveau château à l’est de l’ancien. Toutes les photos présentes sur cette page sont celles du « nouveau » château.



Jean de Bruyère :

Jean de Bruyère est le fils de Pons de Bruyère. Sa date de naissance ne semble pas connue. Il est seigneur de Puivert comme nous le conte la légende, mais également seigneur de Chalabre. En 1283 il se rend en Aragon pour le roi Philippe le Hardi où il obtient de nombreux privilèges et distinctions pour services rendus. Il est par exemple déchargé de toutes sortes d’impôt vis-à-vis de la couronne, ses vassaux sont taillables à merci, il obtient le titre de chambellan du roi, de gouverneur né des ses châteaux (Puivert et Chalabre), de capitaine né, etc. Tous ces titres sont le signe d’une très haute estime du roi et deviendront acquits à sa descendance.

Il se mariera avec Eustachi de Lévis six ans après la tragédie de Mirepoix. Il n’est donc pas encore marié au moment de notre légende. La descendance du couple est fluctuante selon les sources. Parfois seule Agnès de Bruyère apparaît, parfois s’ajo

ute Thomas de Bruyère, qui reconstruira un nouveau château de Puivert. Il arrive même qu’un nouveau Jean de Bruyère apparaisse parmi les enfants.


La princesse Aragonaise :

La princesse n’est pas du tout identifiée dans la légende. Il faut certainement y trouver une représentation symbolique. Je ne connais que peu l’histoire de cette région, mais je me risquerai quand même à une supposition. Lors de la croisade contre les Albigeois, Pierre II d’Aragon prend fait et cause pour les cathares bien que ne partageant pas leur foi. Il le payera chèrement puisqu’il périra en 1213 lors de la bataille de Muret. Serait-ce là l’origine aragonaise de la princesse ? Voulait on dénigrer la région de ce roi très catholique s’étant pourtant coalisé avec les hérétiques ? Je ne pourrai pas vous fournir de réponse mais juste une piste de réflexion.


Plan :

Voici le plan pour vous rendre au château de Puivert dans l'Aude. Impossible de rater le monument, il suffit de lever la tête.


Légendes thématiquement proches :



Légendes géographiquement proches :


Bibliographie :

Traditions, légendes et sorcellerie de la méditerranée aux Cévennes. Richard Bessière. 2004. Pages 117-120.

Château féodal et ruine médiévale. http://chateau.over-blog.net/article-2345328.html. Lu le 13/03/08.

http://dolphyns.free.fr http://dolphyns.free.fr/dameblanche.htm lu le 13/03/08

Site du château de Puivert : http://www.chateau-de-puivert.com/

Portail du Pays de la haute vallée de l’Aude : http://www.payshva.org/payshva/article.php3?id_article=11

Les cathares. Guy Mathelié-Guinlet. 1998.

Racine et Histoire. http://racineshistoire.free.fr/ Etienne Pattou. racineshistoire.free.fr/LGN/PDF/Bruyeres-Le-Chatel.pdf

Geoportail : www.geoportail.fr

dimanche 9 mars 2008

La légende du loup de Malzéville

Chapelle de la gueule du loup - Malzéville / Saint-Max (54)


La légende :

ans le palais ducal de Nancy, Jeanne de Vaudémont se languissait. Le tissage de sa tapisserie l’ennuyait et son épinette ne lui donnait pas envie de faire résonner quelque mélopée. En ce début de printemps, Jeanne aurait aimé pouvoir sortir du palais pour profiter des douceurs des beaux jours. Le duc René, craignant milles dangers pour sa nièce de 16 ans, lui avait interdit de sortir. C’est donc derrière une fenêtre que Jeanne regardait la nature déployer ses atouts.

Pourtant, profitant d’un moment de somnolence de Perrine, sa suivante, Jeanne se glissa hors de sa chambre et réussit à quitter le palais ducal. Au dehors, la vie renaissait. Plantes, bêtes et hommes au sortir de l’hivers retrouvaient force et vigueur. En voyant passer Jeanne, richement vêtu et sans escorte, les paysans la regardèrent avec curiosité, les plus hardis lui adressant même la parole et certains la mirent en garde contre le loup errant en forêt de Malzéville.

Jeanne n’eut que faire des avertissements et s’enfonça dans les bois, toute envoûtée qu’elle était par le parfum des premières fleurs.

Puis, un bruit. Un craquement derrière elle. Et un second. Un loup se dit elle, les paysans m’avaient prévenu. Elle se retourna craintivement et ne vit pas un loup, mais un homme. Un homme sale, hirsute, puant, un rictus plein de haine sur le visage et surtout une épée à la main.

« Me reconnais-tu, Jeanne de Vaudémont ? Je suis Armand de Dieulouard. Ton oncle m’a banni, mais je tiens enfin ma vengeance. Si le duc veut revoir sa nièce bien-aimée il lui faudra payer.»

Mais, en un instant, le visage d’Armand se figea puis se couvrit d’effroi. Il tenta se protéger le visage lorsqu’une énorme masse lui bondit dessus, lui faisant perdre l’équilibre. C’était un loup qui venait de mettre à terre le sieur de Dieulouard et le combat fut vite expédié. Une fois Armand immobile, le loup se retourna vers Jeanne qui perdit connaissance.



Le souffle de la bête réveilla la belle. Le loup, couché à côté de Jeanne, la réchauffait alors que le froid vespéral gagnait le bois. Le regard de l’animal était sans cruauté et Jeanne se laissa aller à caresser le loup.

Le duc René était parti avec ses hommes à la recherche de Jeanne quelques heures plus tôt. Entendant les voix, le loup s’éclipsa juste avant que la petite troupe d’arrive. Les hommes trouvèrent Jeanne, et à peu de distance, le banni Armand de Dieulouard, gisant sans vie et défiguré.

Jeanne raconta l’histoire à son oncle. Celui-ci, en souvenir de l’aventure, interdit la chasse au loup autour de Nancy et fit construire une chapelle dans les bois de Malzéville, qui prit le nom de « Chapelle de la gueule du loup ». Jeanne quand à elle ne revit jamais son sauveur.


La réalité :



La chapelle tient en fait plutôt de l’oratoire. Elle est surmontée d’une gueule de loup au centre d’une croix, le tout sur fond vert. A l’intérieur on trouve un autel surmonté d’une statue de la vierge à l’enfant. La chapelle est située sur la territoire de Saint-Max, commune limitrophe de Malzéville. La légende se déroule bien à Malzéville, la chapelle a « simplement » été déplacée. Elle se trouvait auparavant au lieu-dit « La trinité ».





Le loup et le symbolisme sur le plateau de Malzéville :



Tout d’abord en regardant bien la carte du plateau de Malzéville, nous pouvons voir la gueule d’un loup. Alors d’accord, il faut un peu d’imagination, mais essayez donc de visualiser cette gueule de loup qui avait marquée l’esprit de nos anciens. Jean-Paul Ronecker nous rapporte la présence des lieux-dits « bois de la goulle (gueule)», « ruisseau de la gueule de loup ». Il apparaît également un ermitage de la gueule de loup, ainsi qu’en 1840 une auberge « A la gueule du Loup ».



Si vous n’avez vu ni Charlie, ni la face du canidé, voici grâce à mes incontestables talents de graphiste (et on ne se moque pas), l’origine de la toponymie.



Jeanne de Vaudémont :

L’héroïne de l’histoire est Jeanne de Vaudémont et même de Lorraine-Vaudemont. Fille de Ferry II, comte de Vaudémont et de Yolande d’Anjou, elle nait en 1458. En 1474 elle épouse Charles IV d’Anjou de 22 ans son aîné, avec qui elle n’aura pas d’enfant.

La légende la présente comme la nièce de René II, mais en fait celui-ci est son frère aîné.

On peut dater la légende puisqu’elle se déroule lors des 16 ans de la jeune fille, donc au cours des années 1474 ou 1475. Et comme elle se marie en 1474, c’est donc en cette année que se passe la légende.

Jeanne va décéder jeune puisque sa vie prend fin en 1480.


René II de Lorraine :

Né le 2 mai 1451, René II cumula les titres, bien sur comte de Vaudémont, il devient surtout duc de Lorraine et duc de Bar. S’il y a bien une action que l’on retient du duc de Lorraine, c’est sa victoire dans la bataille de Nancy sur Charles le Téméraire. Ce dernier d’ailleurs y perdra la vie.

On lui doit la basilique de Saint-Nicolas-de-Port (lieu d’autres légendes) et la reconstruction du palais ducal de Nancy, où notre légende débute. Les travaux du palais ducal se dérouleront de 1502 à 1512. Jeanne n’a donc connu que l’ancien palais qui n’avait pas le style flamboyant qu’il a aujourd’hui.

Il épouse Jeanne d’Harcourt lors d’un premier mariage. Ne pouvant avoir d’enfants, il la répudie et épouse Philippe de Gueldre (qui est bien une femme…) avec qui il aura 12 enfants (…la preuve) dont 4 vont mourir jeunes.

Je n’ai trouvé aucune interdiction de la chasse au loup qui aurait pu influencer l’histoire, dans la région nancéienne, autour de la période de la légende. Il est toutefois peu probable que la population se mette à protéger l’animal si redouté.

René II décède le 10 décembre 1508 après prit froid au cours d’une chasse au loup.



Armand de Dieulouard :

Le personnage semble inventé. Je n’ai pu trouver aucune trace de ce personnage. Dieulouard est une petite ville à quelques kilomètres au nord-ouest de Nancy.

La mort du personnage de la légende fait immanquablement penser à la fin de Charles le Téméraire. Celui-ci est retrouvé trois jours après la bataille de Nancy, le visage à moitié dévoré par les loups. La coïncidence est trop troublante pour n’en être qu’une. Il faut certainement voir dans le fourbe Armand de Dieulouard, la marque du Bourguignon, ennemi du « bon » duc René II.




Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la chapelle de la gueule du loup. C'est à la limite Saint-Max/Malzéville juste sous le plateau, en haut de la rue des Fuchsias.


Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :




Bibliographie :

* Le loup de Malzéville. Site ygora.net.

http://www.ygora.net/nav/recits/contes/traditionnels/loups/malzeville.htm

lu le 07/03/08

* Le guide de la Lorraine de l'étrange. Jean-Paul Ronecker. 1991. Page 149

*René II de Lorraine. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_II_de_Lorraine lu le 08/03/08

* Palais des Ducs de Lorraine. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_des_Ducs_de_Lorraine lu le 08/03/08

* Charles le téméraire. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_le_T%C3%A9m%C3%A9raire lu le 08/03/08

Bataille de Nancy. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Nancy
lu le 08/03/08

* Géoportail. IGN.


Iconographie (dans l'ordre d'apparition) :

* BRASCASSAT Jacques Raymond. Tête de loup.

* DESPORTES Alexandre François. La chasse au loup.

* Feyen-Perrin Auguste. Charles le Téméraire retrouvé après la bataille de Nancy.

mercredi 5 mars 2008

[Croyance] La source de la chapelle Sainte-Anne de Broye

Chapelle Sainte-Anne de Broye - Epiez (Meuse)


La croyance :

Une ancienne croyance (1) conduisait les jeunes filles à la chapelle Sainte-Anne de Broye. Celles-ci, en trempant leur mouchoir dans la source du ru qui coule près de la chapelle pouvaient en apprendre plus sur leur futur mariage. Si un coin du mouchoir s’enfonçait dans les eaux, le mariage était dans l’année. Deux coins leurs devait faire attendre deux ans et ainsi de suite. Mais si jamais le mouchoir ne s’enfonçait pas du tout, c’était le signe que la jeune fille resterait célibataire.



La réalité :

La source se trouve à coté de la petite chapelle Sainte-Anne de Broyes près d’Epiez-sur-Meuse. Attention, le terrain est privé, il est donc… normalement… interdit d’y pénétrer, sauf lors du pèlerinage annuel. La chapelle en elle-même n’est pas un chef-d’œuvre d’architecture. Petite, blanche avec quelques arcades sur l’avant et un petit clocher, mais sa situation en pleine forêt rend la découverte très agréable. Elle date de 1843 suite à la destruction par un orage de la précédente en 1810. Dans la chapelle, se trouve une statue de Sainte-Anne qui date du 17ème siècle (2). Sur les hauteurs, une immense croix veille sur les lieux.



Ici se tenait un pèlerinage très fréquenté chaque 26 juillet (3). Il semblerait que le pèlerinage existe toujours (2).



Anne de Broye, une sainte ?

Mais qui est donc Sainte-Anne de Broye ? Tout d’abord notons les très nombreuses variantes du nom. On trouve Broye pour Roger Maudhuy (1), Broyés pour le service régional de l’inventaire (2), Broie sur de vieilles cartes postales, voire même Broix, Brois et Broyes dans un ouvrage de la société d’archéologie Lorraine (4). L’affaire semble bien compliquée.

Une rapide recherche dans la liste des saints reconnus par l’église catholique nous plonge dans des abîmes encore plus profonde : aucune Sainte-Anne de Broye n’est recensée. On a des Sainte-Anne de Guigné, de Jésus, de Saint Barthélemy et j’en passe, et bien sûr Sainte-Anne mère de la vierge Marie, mais point de Sainte-Anne de Broye. Pour l’abbé Genin (4), le nom de Sainte-Anne de Broye serait la concaténation de la fondatrice de l’ermitage avec Sainte-Anne (mère de la vierge) à qui auraient été dédiés les lieux.

Selon le service de l’inventaire (2), Anne de Broye aurait fondée un ermitage, dont la présence est attestée en 1510. Celui-ci serait rattaché au prieuré de Richecourt en Meuse et aux bénédictins de Laon. Cet ermitage aurait pu être construit sur les lieux d’un prieuré plus ancien dit « de Rosière » (3) (ou de Broyes selon l’auteur, mais comment le nom de Broyes serait arrivé avant Anne ?).

Anne de Broye serait la sœur d’un seigneur de Vaucouleurs ou de Vaux (4) (toutes deux en Meuse).

On trouve également la présence d’une Anne de Broye mais qui serait originaire de Reims qui fut Abbesse de l’abbaye de Val-de-Grâce à Bièvre (en région parisienne) vers 1513 (5). Serait-ce la même personne ? Il est fort possible qu’elle ait gagné Bièvre après son séjour à Epiez.



Conclusion :

Ainsi tout cela est bien confus. Vous allez me demander quel est le rapport avec la source. Et bien aucun semble t’il, où alors l’histoire l’a oublié. Il n’y a pas l’air d’y avoir de connections entre Anne (et le pèlerinage) et la croyance concernant la source.

Il existe ainsi beaucoup de sources ou de fontaines auxquelles la croyance populaire rattachait une capacité à prédire l’avenir et notamment les mariages. Nous en verrons très certainement d’autres plus tard.



On prend les mêmes noms et on recommence (6) :

Une autre légende nous rappelle des noms bien connus. A Broye, en Haute-Saône, il y avait au 16ème siècle une statue miraculeuse de Sainte-Anne conservée dans l’église Saint-Pierre. Dans le village voisin, à Heuilley, on considérait que la statue serait mieux traitée chez eux. Qu’à cela ne tienne, quelques habitants d’Heuilley vinrent chercher la statue pour changer sa demeure. Evidemment, les habitants de Broye ne voyaient pas les choses de la même manière, et après quelques échanges verbaux enflammés, ils reprirent la statue pour lui faire reprendre sa place d’origine. Mais quelques jours plus tard, la statue fut retrouvée dans un champ à Heuilley. Deuxième expédition et deuxième échec. Alors qu’ils voulaient franchir la Saône, un violent vent empêcha les habitants de Broye de franchir l’entendue d’eau. Preuve étant faite que la statue voulait restait à Heuilley, il fut construit une chapelle pour abriter la statue.

Alors, simple hasard toponymique ? Peut être… En tout cas la statue est toujours à Heuilley.


Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la source. Pensez à prendre votre mouchoir ;) . Je vous rappelle que la source et la chapelle sont dans une propriété privée. Pour vous y rendre (quand même) c'est a pied depuis Epiez ou en se garant entre Epiez et Badonvillers puis 500 mètres à pied.


Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :


Bibliographie :

(1) La lorraine des légendes. Roger Maudhuy. 2004. Page 192.

Une référence sur les légendes lorraines. A lire absolument.

(2) Patrimoine de France. http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-60-17047-120874-M77993-293804.html lu le 02/03/08.

(3) Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine. Société d’archéologie lorraine. 1863. Pages 91.

(4) Epiez-sur-Meuse. Abbé Génin. Le pays lorrain Année 4. 1907. Pages 34-37.

Source très complète sur l’ermitage allant jusqu’à donner la liste des gardiens et l’histoire de la cloche.

(5) Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris. Jean Lebeuf. 1757. Page 419.

(6) Wikipédia. Heuilley-sur-Saône. http://fr.wikipedia.org/wiki/Heuilley-sur-Sa%C3%B4ne. Lu le 02/03/08

(7) Patrouille des dauphins : http://breese.blogs.com/dauphin26/2006/09/camp_2006.html lu le 02/03/08

Où j’ai pu trouver une photo de l’intérieur de la chapelle avec, peut être, la statue de Sainte-Anne.