dimanche 22 mars 2009

La légende du Bon Dieu de Pitié


Statue du Bon Dieu de Pitié (église) - Koenigsmaker (57)




La légende :

Au cours de la guerre de trente ans, dans le petit village de Koenigsmaker, une statue affleura des eaux de la Moselle. Ce fut des femmes, occupées à laver leur linge sur les bords du fleuve, que partit l’information. Le fait gagna tout le village à la vitesse du vent d’Est.
Avec monsieur le curé en tête, tous ceux qui comptaient dans le village se trouvèrent aux premières loges pour constater la découverte.

La statue dite du "Bon Dieu de Pitié"

Très vite on mit en œuvre une solution pour sortir la statue de la Moselle, à l’aide d’un chariot tiré par deux bœufs que l’on attela pour la première fois pour l’occasion.
Le curé mit le convoi en branle avec l’intention de gagner l’église du village. Mais alors qu’ils passèrent devant, les bœufs ne voulurent pas s’arrêter et poursuivirent d’eux même jusqu’à la chapelle Saint-Roch.

Le chemin qui monte vers le chapelle Saint-Roch

La statue avait choisi son lieu de résidence et l’on respecta la volonté divine.


La réalité :

Le fond de cette légende est on ne peut plus classique. Nous revoici donc avec une statue qui décide elle-même de son lieu de villégiature. Ce qui varie c’est qu’ici, la légende nous conte que la statue apparaît par miracle. On peut remarquer que la légende se situe au même moment que celle, assez similaire, de la statue de Moncourt.


La statue du Bon Dieu de Pitié

Bon Dieu de Pitié semble être une appellation lorraine pour ce qui est un Christ de Pitié. Ce genre de statue représente un Christ, généralement pieds et mains entravés, qui attend sa crucifixion. Dans les canons du genre, le visage exprime la souffrance et la résignation.

La souffrance et la résignation ?

Regardez bien le visage du Christ de Pitié du Koenigsmaker et dites moi si vous voyez la souffrance et la résignation. Il y a peu de chance. L’attitude fut qualifiée de « mondaine » dans les années 60, ce qui correspond à une version politiquement correcte. On a l’impression qu’il prend la pose pour un magazine de charme. Il est amusant de noter qu’en 1752 un prêtre scandalisé par la statue fera carrément interdire l’accès à la chapelle où se trouvait le Christ.

Nous la voyons aujourd’hui colorée mais elle était, dans les années 60, uniquement recouverte d’une couleur blanc-crème. Peut être était elle originellement colorée.

La statue en version blanche dans la chapelle (JP Lepape - http://ateigram.free.fr/bddp/indexBDDP.html)


Le parcours de la statue ou comment la légende prend quelques libertés.

La première étape du chemin de croix, c’est la Moselle, où la statue apparaît miraculeusement. En fait d’apparition miraculeuse on sait qu’elle fut commandée à Trèves (Allemagne) en 1570.
A la date de la légende, durant la guerre de trente ans (1618-1648), la statue est donc depuis longtemps à Koenigsmaker. La légende est elle née d’un vol, d’un accident de parcours de la statue ?

Saint Roch version 1625

La suite du chemin de croix passe devant l’église et finit par gagner les hauteurs du village, là où se trouve l’actuelle chapelle Saint-Roch. Qu’y avait il en haut de cette colline lors de la légende ? Avant 1625, une chapelle très abîmée, et après une belle chapelle flambant neuve. Curieux hasard de la chronologie. Ne pourrait on pas placer notre légende à cette période où il serait concevable que l’on ait placé la statue dans un nouvel écrin ? J’aime bien cette hypothèse. Sauf que… ça ne colle pas avec d’autres dates que nous avons.

L'église de Koenigsmaker

Il semblerait que de 1570 à 1741 la statue du Bon Dieu de Pitié ait séjourné dans l’église paroissiale. Elle n’aurait quitté celle-ci pour la chapelle qu’à cette dernière date pour gagner enfin la chapelle Saint-Roch, lieu de notre légende. Ceci remet en cause les fondements de la légende. On peut alors se demander quel est le fait qui fit naître la légende. Serait-ce ce déménagement ?

La statue opérera encore un mouvement en 1940, lors de l’évacuation du village. Lors du retour des habitants, la statue regagnera à nouveau sa chapelle. Mais finalement c’est dans l’église que le Christ attend désormais votre visite.

Je suis allé voir si je trouvais moi aussi une statue dans la Moselle. Je n'ai trouvé que des vélos.



Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la chapelle Saint-Roch. Du village il suffit de grimper sur la petite colline.


Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :





Bibliographie :

Le Bon Dieu de Pitié. Les amis du père Scheil. http://www.lesamisduperescheil.fr/bon_dieu_pitie.html
Ma seule source pour la légende et un très bon site sur Koenigsmaker.

Le Bon Dieu de Pitié en Lorraine. André et de Jean-Pierre Lepape http://ateigram.free.fr/bddp/indexBDDP.html Un site qui reprend un ouvrage des années 1960 et qui recense les Christ de Pitié en Lorraine.

Chapelle Saint-Roch. Les amis du père Scheil. http://www.lesamisduperescheil.fr/chapelle_saint-roch.html. Où vous apprendrez dans quelles conditions la chapelle fut reconstruite.

Base de données Mérimée. Inventaire général du patrimoine.

vendredi 6 mars 2009

La légende de la Belle Dame des Autels


Roches "les Autels" - Gorze (57)



La légende :


Là où les eaux pures du ruisseau de Parfond Val s’écoulent paisiblement ; là où une série de roches majestueuses s’élèvent ; là où la forêt isole les lieux de tout ce qui les entourent ; se trouve le palais d’une fée que l’on appelle « la Belle Dame ».


L’entrée de son domaine est, dit-on, cachée dans ces roches portant le nom des « Autels ». Dès le début du printemps, la Belle Dame sort de son hivernage pour sublimer son royaume. Elle y fait pousser quantité de fleurs et redonne sa dominante verte à la nature. Les lieux se remplissent de mille parfums, de mille doux sons, de mille couleurs. Aucun doute n’est permis : la fée à repris ses droits.


La première roche des Autels


C’est dans cet environnement merveilleux que la Dame parcours ses terres et va se baigner, le soir venu, dans la source de Parfond Val.



Un jour, le comte de Beurtoncourt, jeune homme ayant reçu en héritage les terres de Sainte-Catherine, vint visiter ses possessions. Tombant amoureux des lieux, il y séjourna durant plusieurs mois. Un soir, alors qu’il se promenait en longeant le Parfond Val, il vit sur le versant des Autels, une forme blanche qui se dirigeait gracieusement vers la plaine. Il la suivi, subjugué par cette silhouette. Alors qu’elle terminait sa baignade vespérale, le jeune comte tomba aux pieds de la Belle Dame en la suppliant de l’épouser.


La fée lui avoua l’avoir vu dès son premier jour à Gorze et lui confia la réciprocité de son amour. Mais elle lui expliqua qu’elle ne pourrait pas lui donner sa main tant que le maléfice qui pesait sur elle ne serait pas levé. Aussi elle lui demanda d’être patient, ce que promit et fit le jeune comte. Ainsi, chaque jour dans le Parfond Val, les deux fiancés se donnaient rendez-vous.



Mais un jour, le comte de Beurtoncourt ne trouva pas la fée à l’endroit habituel. Et celle-ci resta introuvable depuis. A partir de ce moment, les habitants de Gorze purent voir le jeune homme, sillonner tristement la région à la recherche de sa belle.


Le ruisseau de Pardond Val


Un matin, des bûcherons trouvèrent le jeune comte, le crâne fracassé au pied des Autels. Sans doute avait il succombé à une chute du haut des roches. Depuis, il est possible de voir une silhouette de femme, vêtue de noir, errer à proximité des lieux du drame. Et parfois, une voix plaintive s’élève des hautes pierres de Parfond Val. Ce sont les pleurs de la Belle Dame qui ne pourra suivre son bien-aimé dans l’au-delà.


PS : Vous trouverez la légende qui m’a servi de support à cette adresse. Par ma part j’ai utilisé le même texte se trouvant dans le livre de Roger Wadier : Légendes lorraines de mémoire celte. Elle doit être du Dr Raphael de Westphalen. Mais ne sachant si Roger Wadier l’avait ou non retouché, je ne me suis pas permis de la retranscrire telle quelle.



La réalité :


Dans les faits des fées, il y a des constantes :


Cette légende est intéressante car elle nous propose plusieurs éléments relativement caractéristiques des fées, du moins en Lorraine. Mais bien sûr, il existe énormément de fées avec des caractéristiques très différentes.


Tout d’abord on peut noter que la Belle Dame des Autels habite une roche, ce qui est un habitat relativement classique pour une fée, même si non exclusif. Il y a dans les Vosges, beaucoup de roches abritant de pareils personnages. Peut être faut il y voir une résurgence des cultes celtiques ayant souvent pour support des pierres remarquables. D’ailleurs, entre la dame blanche et le druide vêtu de blanc, il n’y a certainement qu’un pas.


La porte d'entrée du palais de la fée ?


Le deuxième élément important est l’impossibilité pour la fée de se marier. Roger Wadier nous propose également l’hypothèse que ce fait vienne du célibat imposé aux druidesses/prêtresses. On en revient donc aux cultes druidiques. Il existe beaucoup de légendes nous contant l’impossibilité du mariage entre hommes et fées. D’ailleurs, le comte de la légende a eu de la chance, car dans la plupart des légendes il serait mort ou transformé en une bestiole peu avenante, pour avoir seulement eut l’audace de regarder une fée sortir de son bain.


Enfin, le troisième élément assez classique correspond au parallélisme entre le printemps et le retour de la fée dans nos campagnes. Elle a parfois le rôle de déclencher le début des floraisons, mais parfois c’est à un véritable travail de jardinier qu’elle doit s’atteler. Décidemment, fée ce n’est pas de tout repos.


Une ruine sur le chemin de Parfond Val



Le Parfond Val, un véritable berceau pour une légende.


Il n’est pas étonnant qu’une légende baigne ces lieux, tant ils sont capables de stimuler une imagination un tant soit peu fertile. Les Autels, gros blocs de pierre pleins d’anfractuosités, viennent surplomber une petite vallée encaissée et luxuriante. La conjonction des deux, isole complètement le promeneur. A coté du chemin coule bien sur le ruisseau de Parfond Val qui fut un des deux captés par l’impressionnant Aqueduc de Jouy aux Arches pour alimenter Metz (le ruisseau à d’ailleurs toujours cette fonction). Pénétrer dans ces lieux revient vraiment à changer d’univers. Il faut ajouter à cela une localité pétrie de légendes, pour ne pas être surpris qu’une fée ait décidé de venir s’implanter ici.



Dans le nom de Beurtoncourt, il faut certainement y voir Burtoncourt, petit village de Moselle à une trentaine de kilomètres des lieux de la légende. Il y eut d’ailleurs des nobles portant le nom de « de Burtoncourt ». Par contre il me semble peu probable que les environs de Gorze aient appartenu à un autre propriétaire que la puissante abbaye bénédictine de Gorze.


La légende nous parle des « Terres de Sainte Catherine » reçut en héritage. Je ne sais pas du tout à quoi cela correspond. Si quelqu’un à une information, ça m’intéresse.




Plan :


Voici le plan pour vous rendre aux Autels. Une des possibilités consiste a partir de Gorze en direction de d'Ancy sur Moselle. Prendre le chemin de randonnée qui part dans les champs. A l'orée de la forêt, là ou le chemin se sépare en deux, prendre celui qui traverse le cours d'eau puis grimper sur les hauteurs.



Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :




Bibliographie :


La Belle Dame des Autels. Légendes lorraines de mémoire celtes. 2004. Roger Wadier. Pages 56-58.


Histoire de la ville et du pays de Gorze. 1853. J.B Nimsgern. Avec notamment une importante partie sur les légendes, croyances et traditions. Sans toutefois de trace sur la légende de l’article.



Iconographie :


La fée dans la grotte. Gustave Moreau.


Couple dans un paysage. Ven der Faes Peter.