dimanche 11 avril 2010

Quelques nouvelles du blog

« Entre légende et réalité » est très heureux de vous annoncer la naissance du « Sentier des légendes ». Le bébé se porte bien et va grandir rapidement avec moult nouvelles possibilités. Cet accouchement explique en partie (en partie seulement) le peu de nouvelles sur le blog. Maintenant que la base est faite, l’évolution se fera en douceur selon mes disponibilités. Je pense que j’aurai donc un peu plus de temps à consacrer au blog.




Le sentier vous fera parcourir les recoins de la France (et au-delà) afin de découvrir les contes et légendes qui se cachent au détour des chemins. J’ai pas mal d’idées pour l’évolution de ce site… mais ça vous le découvrirez au fur et à mesure que le site va grandir et grossir. La première grosse mise à jour portera sur la mise en place d’un espace membre afin de pouvoir constituer la base d’une structure plus communautaire.




Je tiens toutefois à vous signaler, que le sentier est encore en version béta et que pour l’instant peu de légendes sont disponibles… Toutefois pas moins de 200 légendes attendent d’être publiées.



L’autre nouvelle du front, c’est le référencement des légendes lorraines du blog par le site Mylorraine.fr. Si vous n’avez pas encore pris le temps de lire toutes légendes de la région, vous pourrez le faire à un rythme régulier sur le site. Merci à eux pour la mise en avant bimensuelle.


lundi 8 mars 2010

La légende de la nuit de la Saint-Jean

Cathédrale - Strasbourg (67)



La légende :


La dernière pierre de l'admirable flèche de la cathédrale fut scellée le jour de la Saint-Jean de
l'année 1439. Une statue de la Vierge couronna l'édifice.

Pendant des siècles, la grande oeuvre avait été poursuivie sans relâche. L'une après l'autre, les générations avaient fourni le travail et les subsides. Chacun croyait racheter ses péchés et gagner le salut éternel en contribuant à l'érection du monument consacré à la gloire du Dieu des chrétiens.
Toute une série d'architectes en avaient tracé, modifié, exécuté les plans. Une foule de sculpteurs, de verriers, de peintres avaient contribué à ornementer ses niches, ses ogives et ses voûtes. Ils sont morts sans avoir vu l'achèvement de leur œuvre, et au fond des caveaux, dans leurs cercueils de pierre, ils dorment du sommeil éternel.

Cependant, chaque année, il est une heure pendant laquelle ils reprennent vie pour voir et admirer le monument.

Les ouvriers au travail

Quand, le jour de la Saint-Jean, sonne l'heure de minuit, une rumeur étrange emplit l'édifice
antique. Les tombeaux s'ouvrent. Les trépassés se lèvent et s'agitent. Ils s'assemblent sous les voûtes sombres de la nef. Voici les chefs des vieilles maîtrises, avec les attributs de leur métier et recouverts des vêtements de leur temps. Le cortège se forme et les fantômes parcourent les couloirs et les chapelles, montent les escaliers en spirale, escaladent les tourelles taillées à jour, et chacun reconnaît les lieux où il a laissé l'empreinte de ses efforts
et de son génie.

Parmi toutes ces formes fantastiques, brille d'un éclat particulier une figure éthérée. C'est une
femme vêtue d'une tunique blanche, qui tient un ciseau, et en elle, les spectres reconnaissent Sabine. La fille d'Erwin plane au-dessus de la multitude des revenants, doucement éclairée par les rayons de la lune.

L'antique cathédrale est remplie d'une mêlée indescriptible aux flottements ondoyants. Ces êtres vaporeux affectent les allures de la vie tout en ayant les apparences de la mort...

Mais l'heure sonne à la tour, et aussitôt tout disparait. Les fantômes se sont évanouis et le
silence règne dans le temple immense !




Les variantes :

Dans la version de Gabriel Gravier, il existe une infime variation portant sur la femme vêtue de blanc. Ici, le nom de Sabine n’est pas mentionné, c’est une vierge qui l’a remplace, portant toutefois les mêmes signes de reconnaissance, puisque portant un marteau et un ciseau. Point de doute qu’il s’agit donc du même personnage.




Une version trouvée sur Internet et donc j’ignore l’origine, ajoute que cette fameuse nuit, l’ensemble des statues prend vie afin de louer la Vierge. Notons ici, que ce n’est pas une vierge, mais bien la Vierge qui, tenant les outils des tailleurs de pierre, va tourbillonner au dessus de la cathédrale.





La réalité :

Le symbolisme de la Saint-Jean :

Avant de se lancer dans le symbolisme, il faut commencer par savoir de quelle Saint-Jean on parle. S’agit-il du jour de la célébration de Jean, le 27 décembre, ou de Jean le Baptiste le 24 juin ? Aucun texte n’est pleinement explicite sur ce point, et je prendrai donc le parti du 24 juin qui à une valeur symbolique évidente.

Comme souvent pour beaucoup de fêtes, il existe un préalable. La Saint-Jean va remplacer Litha, une fête païenne. On y célèbre autour de grands feux, la renaissance et la fertilité. Le fait va se perpétuer malgré la christianisation, puis grâce à elle, quand l’église va reprendre à son compte ce qu’elle ne put étouffer.



Il faut dire que la symbolique est importante et qu’en plus de marquer (il y a un léger décalage avec la nuit de la Saint-Jean) le solstice d’été, la nuit de Litha avait pour fonction de bénir les moissons. Il était donc évident que dans un monde rurale, la suppression de l’événement était délicate.

La date de la Saint-Jean comme théâtre de notre légende est donc parfaitement logique : nous assistons à la renaissance des artisans de la cathédrale.

Notons également que, comme le signale la société française de mythologie, la nuit de la Saint-Jean est, avec Noël, un des moments où nombre de pierres bougent pour libérer des trésors.

Jules Breton



A la recherche de la reine de la fête :

Sabine, c’est Sabine dite « de Steinbach », une sculptrice du XIIème siècle dont la légende et la réputation est fameuse, mais dont en fait on ne sait rien.

La légende en fait la fille du fameux architecte, Erwin de Steinbach, il n’en est en fait rien, et comme nous l’avons déjà vu avec la légende du pilier des anges, le patronyme « de Steinbach » ne repose sur rien, et de plus les dates ne correspondent pas. Cela n’empêche pas de voir, encore maintenant, une filiation entre ces deux génies.

Sabine "de Steinbach"


On connaît son existence par la mention « Sabina » sur l’une des statues des portes sud de la cathédrale. Il s’agit celle de Saint-Jean qui porte un parchemin indiquant : « Merci à la grande piété de cette femme, Sabina, qui me donna forme dans cette pierre dure. »

Est-ce une coïncidence que Sabine soit de fait la reine de la nuit, où est-ce à cause de cette statue particulière ? Toutefois qu’il s’agit là de Saint Jean l’apôtre et non du baptiste.






Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la cathédrale de Strasbourg. Il vous sera difficile de la rater :p


Les légendes thématiquement proches :




Les légendes géographiquement proches :




Bibliographie :


Souvenirs d’Alsace : Chasse – Pêche _ Industries – Légendes. Maurice Engelhard. Pages 266-267. 1890

Légendes d’Alsace – Tome IV. GRAVIER Gabriel. Pages 128-129

La nuit de la Saint-Jean à la Cathédrale. JUILLOT Pierre. Fragments Occultes.
http://chrysopee.net/Nephilim/index.php?rub=0&art=Affiche_Fiche&ID=29&PHPSESSID=ce51b8463f2557021792abc19a05c788

La Saint-Jean d’été. Société de Mythologie Française. http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/themes/St-Jean.htm

Sabina von Steinbach. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Sabina_Von_Steinbach

Fête de la Saint-Jean. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_de_la_Saint-Jean

Cathédrale de Strasbourg. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%AAte_de_la_Saint-Jean

dimanche 7 février 2010

La légende de la fontaine des Génivaux


Font de Génivaux (Vigy -57)


La légende que je vous retranscris ici, est née sous la plume du Dr Westphalen.


La légende :


Dans le bon vieux temps, du temps des causeries faites entre femmes, près de l’âtre du feu, une demi-douzaine de filles de Vigy étaient en train de filer. On racontait des contes de revenants à faire dresser les cheveux sur la tête.

La grande Marie ne voulait rien croire ; c’était une gaillarde. Mais ne voilà-t-il pas que ses compagnes lui promettent une belle jupe de calamante si elle avait le courage, la nuitée suivante, à minuit, d’aller au fond de Génivaux, au milieu des bois de Vigy et de crier : « Ho ! Ho ! Au fond de Génivaux, j’y suis ! ».

En route vers Génivaux


La Grande Marie accepte la proposition, et le lendemain les voila toutes en route vers les onze heures de la nuit, par un beau clair de lune. Arrivées en haut des vignes, elles ont fait halte, et la Grande Marie, après avoir fait le signe de croix s’en va toute seule au fond de Génivaux. Au bout d’une demi-heure d’attente, elles ont entendu crier : Oh ! Oh ! Au fond de Génivaux, j’y suis ! ». Mais tout de suite après, une autre voix a répondu : « Oui, sans l’eau et le sel, tu n’y était plus. »

Les filles du haut des vignes sont rentrées à Vigy en courant toutes tremblantes. La Grande Marie, une heure après, avait gagné la jupe de calamante ; mais elle a juré qu’elle n’y retournerait plus !





La réalité :




Voici une légende populaire qui s’est bien disséminée. Vous pourrez trouver des textes semblables dans différentes régions, de préférence dans un endroit un peu isolé mais proche d’un village. La trame est en général très similaire, seuls changent les détails tel que les objets protégeant contre le Diable. Nous verrons toutefois à l’occasion, du coté de La Bresse dans les Vosges, une alternative intéressante à cette histoire.





Le fond(/t) de Génivaux et sa fontaine.



Le fond de Génivaux est le lit relativement profond d’un ru dans un sillon lui-même assez encaissé. Le tout donne un endroit assez particulier qui put faire travailler l’imaginaire, surtout à la nuit tombée, sous les ombres vacillantes dues aux flammes. En haut de la pente se trouve la fontaine des Génivaux qu’il ne faut pas comprendre dans le sens urbain du terme. Il ne s’agit en fait que d’une source au pied d’un arbre. En bas, le ru se jette dans la Canner.



Le haut du fond de Génivaux



L’eau et le sel, des symboles de la chrétienté.

La référence à la chrétienté est plus qu’évidente dans la liste des objets permettant de se prémunir contre le Diable. Car sans ces objets, point de salut.

L’eau rappelle bien sûr le baptême et par extension, l’eau bénite connue dans le monde des légendes pour éloigner voire faire fuir le Diable. Son effet semble bien plus puissant que la citronnelle sur les moustiques tant les traditions populaires usent de ce moyen de défense. Mais l’eau n’est bien sûr pas uniquement symbolique dans cette tradition, et finalement la plupart des religions (si ce n’est toutes) font de cet élément, un objet de culte capable de purification.

Le sel quant à lui peut rappeler plusieurs choses. Tout comme l’eau, le sel fut un des éléments du baptême jusqu’en 1947. On apposait du sel bénit sur la bouche de l’enfant. Le sel est aussi un symbole biblique du discernement.

Il est parfois possible de trouver un troisième élément remplaçant un des deux premiers, à savoir le pain. Là encore, c’est un symbole chrétien évident. Nouvel objet bénit par le prêtre, mais cette fois nous quittons le baptême pour la communion.




Une métaphore pour les jeunes filles ?

Une analyse toute subjective de ce texte, me fait voir une métaphore à destination des jeunes filles. Si on lit le texte un peu différemment on peut se dire que l’intrusion dans le domaine du Diable correspond aux tentations qui jalonnent la vie du croyant. Ici, Marie « tente le Diable » pour une jupe, poussée d’ailleurs par les « bons » conseils de ses amis.

« Heureusement » pour elle, l’église la protège contre la damnation. Car malgré le risque pris, son baptême, représenté par l’eau et le sel, mettra en fuite le Diable. Autant dans certaines localisations de cette légende les symboles sont présents physiquement dans les poches, autant ici rien n’est précisé, et le Diable parle peut être seulement du baptême qui protège la jeune fille.

La légende peut aussi être tout simplement la trace d’une pratique adolescente visant à se faire peur. La légende serait alors uniquement la scénarisation d’un « rite ».

Je pense toutefois que l’on est entre les deux hypothèses.





Plan :

Voici le plan pour vous rendre au fond de Génivaux. Une des solutions consiste à gagner la Canner puis la longer pour ensuite remonter le long des Génivaux.



Les légendes thématiquement proches :






Les légendes géographiquement proches :