La légende :
Les nutons, petits êtres travailleurs, sont toujours prêts à rendre service, à condition que l’on n’en abuse pas. Voici une légende qui vous le prouvera.
Un jour, dans le village de Volaiville, une veuve vint trouver les nutons devant le trou servant d’entrée à leur caverne. Celle-ci était en pleurs car depuis la mort de son mari, ses terres étaient à l’abandon. Elle et ses enfants ressentaient déjà les premières affres de la famine. L’un d’eux fut ému par la pauvre femme et lui proposa son aide. Il lui suffirait de déposer dans le champ les outils nécessaires au travail.
Le lendemain elle vit avec joie que le premier de ses champs avait été labouré et semé. Les jours suivants, les autres champs furent également mis en culture.
Durant plusieurs années, les nutons se chargèrent de l’entretien des champs de la veuve, la mettant à l’abri du besoin. Sous les mains des petits êtres, les champs furent plus beaux et plus prospères que jamais. Mais un jour, elle proposa à son voisin, contre monnaie sonnante et trébuchante, de lui faire bénéficier du travail de ses bienfaiteurs. Elle mit donc ses outils dans le champ de celui-ci en pensant que les nutons ne verraient pas la supercherie.
Ce fut une grossière erreur, car non seulement le champ ne fut pas labouré, mais en plus, depuis lors, les nutons ne vinrent plus en aide aux habitants de Volaiville.
Les variantes :
Le thème de cette légende est un thème extrêmement populaire dont on trouve de nombreuses adaptations. Mais nous allons donc nous focaliser ici sur les variantes de la légende liée à cette localisation.
Tout d’abord il faut signaler qu’exactement la même légende existe dans le village d’à coté, à Winville. Toutefois les trous des Nutons de Winville et de Volaiville communiquent, selon la tradition populaire. Ouf, nous éviterons ainsi les guerres de clocher.
Parfois la ruse visant à mettre les outils dans le champ du voisin ne se fait pas contre rétribution ou en tout cas, les textes n’en font pas mention. Le résultat reste néanmoins le même : les nutons arrêtent d’offrir leur aide.
La réalité :
Les nutons : morphologie et sociologie d’un concept mythologique (bref, une petite description)
Les nutons possèdent dans la mythologie belge quelques caractéristiques remarquables et relativement constantes. Mesurant autour d’un mètre et possédant une barbe grise fournie, le nuton est menu à la différence d’un nain que la mythologie (ou tout du moins celles issues des univers de Tolkien) rend trapu. Peut être pour se grandir un peu, il porte généralement un chapeau pointu rouge qui surplombe un visage joviale et des yeux pleins de malice.
Le nuton est serviable et travailleur, mais il est très susceptible. Si l’on tente de le rouler ou si on oublie de le remercier il fera connaître son mécontentement.
Un petit nuton - Auteur inconnu
Il possède la fascinante caractéristique d’être habile dans tous les métiers. Il passe donc aussi bien de celui de fermier, à celui de tailleur de pierre ou de cordonnier, en passant par celui de rémouleur ou de forgeron. Il demande généralement à être rémunéré en nourriture. D’ailleurs les campagnards n’hésitaient pas à placer des aliments à coté d’un objet à réparer ou directement devant l’entrée de la caverne du nuton, car c’est là son lieu de vie. Le nuton à l’instar du nain, vit donc dans des cavernes. Les entrées sont connues sous le terme de trou de nutons. C’est par exemple ce que l’on trouve à un kilomètre environ de Volaiville.
Il est à noter également que le personnage à une activité essentiellement nocturne qui explique que l’on ne le voit que peu.
Je limiterai ici pour cette courte description. Vous trouverez infiniment plus de détails en parcourant les quelques liens de la bibliographie.
Mais d’où viennent-il ? Jean-Luc Duvivier de Fortemps voit dans les nutons la réminiscence de cultes liés à des divinités secondaires qui se seraient fondues dans le folklore local. L’hypothèse semble fort séduisante et pourrait expliquer le dépôt d’offrande sous forme de nourriture, indispensable pour s’attirer les bonnes grâces des ces petits personnages si versatiles.
Les Nutons : une histoire belge… mais pas seulement.
Nutons, lutons, duhons voire sotê ou massotê selon les régions de la Belgique, ce petit être existe sous ces appellation à l’état endémique dans ces territoires. Mais on trouve bien sûr des équivalents en France sont le terme de lutin (parfois le peutone).
Le terme luton dérive d’ailleurs du lutin, alors que le nuton provient de netun en ancien français qui est un diablotin, mais aussi de nutt en wallon qui désigne la nuit.
Il est intéressant de voir la vitalité du nuton en Belgique qui semble bien plus vive que dans des pays voisins tel que le France. Je ne crois pas qu’il existe de rue des lutins en France, alors qu’il existe par exemple plusieurs rues des nutons en Belgique, dont une à Volaiville. Si l’on regarde les publications scientifiques (qui étudient le folklore… évidemment) ou autres, on y trouve une représentation importante du nuton contre finalement assez peu en France.
Et du coté du légendaire ? Et bien c’est pareil. La Belgique fourmille de trous de nutons et de légendes relatives alors que finalement en France, pourtant toute proche, on ne trouve pas cette présence importante, ou en tout cas pas sous cette entité unique.
Doit-on en conclure que le nuton fut plus actif dans le Royaume que dans les régions voisines ? Pas forcement.
Car on trouve évidemment des histoires de lutins en France et notamment en Lorraine. Souvenez vous de notre conte de peutones mosellans, mais sachez également qu’en Lorraine de petits êtres aident beaucoup nos paysans. Parfois ils les nourrissent, parfois ils sortent leurs charrettes d’ornières, parfois ils réparent des outils brisés et ainsi de suite. Toutefois, ils se heurtent à la concurrence de fées, ou autres dames vaporeuses, dans leur travail d’assistance rurale.
En Belgique le syndicat du nuton semble bien plus puissant, ou en tout cas plus médiatique, que son homologue lorrain.
Y a-t-il une raison à cela ? Au départ certainement pas, car la Lorraine et ce bout de Belgique, que l’on connaît sous le nom de Lorraine Belge, ont connu de grands pans d’histoire communs. Il faut donc certainement trouver une raison plus tardive.
Est-ce l’impact de la religion qui fut plus forte dans une région que dans l’autre ? En Lorraine on trouve des trous que l’on pourrait attribué aux lutins mais qui hébergent un saint comme par exemple à Soulosse-sous-Saint-Elophe.
Est-ce une culture locale qui fut mieux conservée ? Est-ce un goût pour le merveilleux plus vivace ? Peut être que des lecteurs belges pourront donner quelques éléments de réponse.
Et puis bien sûr des lutins, nutons, gnomes ou quelque soit leurs noms, on en trouve dans de multiples pays. D’ailleurs certainement connaissez vous « les lutins » des frères Grimm, où les cousins allemands des nutons rendent aussi des bien services grâce à leur fabuleuse habilité. Eux par contre connaîtront une fin différente… mais je vous laisse la surprise…
Bibliographie :
Le nutons de Volaiville – Panneau du parcours « Sûr e Naturel ». Un parcours magique qui vous fera visiter 19 lieux de légendes entre Belgique et Luxembourg. Je ferai un article dessus quand j’aurai eu le temps de finir le circuit.
Le nuton, Nain de l’Ardenne fantastique – Jean-Luc Duvivier de Fortemps. Fascicule passionnant de 18 pages produit dans le cadre des « chemins de la Pierre » et illustré par de superbes photos. Disponible sur http://www.lescheminsdelapierre.be/cheminspierre/
La légende des nutons de Volaiville - http://blog.enseignons.be/villerssursemois/
Les nutons – Peuple Féerique. http://peuple-feerique.com/2008/08/31/les-nutons/
Les lutins – Grimm contes. http://www.grimmstories.com/fr/grimm_contes/les_lutins
Pas mal d’autres liens de moindre importance que vous trouverez via Google.
2 commentaires:
C'est qu'ils peuvent être susceptibles, ces petits nutons !!
Susceptibles mais le cœur sur la main. Ce sont d'ailleurs eux qui tapent l'intégralité des articles de ce blog. Je me contente pour ma part de rajouter quelques fautes d'orthographe.
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