La légende :
ans le palais ducal de Nancy, Jeanne de Vaudémont se languissait. Le tissage de sa tapisserie l’ennuyait et son épinette ne lui donnait pas envie de faire résonner quelque mélopée. En ce début de printemps, Jeanne aurait aimé pouvoir sortir du palais pour profiter des douceurs des beaux jours. Le duc René, craignant milles dangers pour sa nièce de 16 ans, lui avait interdit de sortir. C’est donc derrière une fenêtre que Jeanne regardait la nature déployer ses atouts.
Pourtant, profitant d’un moment de somnolence de Perrine, sa suivante, Jeanne se glissa hors de sa chambre et réussit à quitter le palais ducal. Au dehors, la vie renaissait. Plantes, bêtes et hommes au sortir de l’hivers retrouvaient force et vigueur. En voyant passer Jeanne, richement vêtu et sans escorte, les paysans la regardèrent avec curiosité, les plus hardis lui adressant même la parole et certains la mirent en garde contre le loup errant en forêt de Malzéville.
Jeanne n’eut que faire des avertissements et s’enfonça dans les bois, toute envoûtée qu’elle était par le parfum des premières fleurs.
Puis, un bruit. Un craquement derrière elle. Et un second. Un loup se dit elle, les paysans m’avaient prévenu. Elle se retourna craintivement et ne vit pas un loup, mais un homme. Un homme sale, hirsute, puant, un rictus plein de haine sur le visage et surtout une épée à la main.
« Me reconnais-tu, Jeanne de Vaudémont ? Je suis Armand de Dieulouard. Ton oncle m’a banni, mais je tiens enfin ma vengeance. Si le duc veut revoir sa nièce bien-aimée il lui faudra payer.»
Mais, en un instant, le visage d’Armand se figea puis se couvrit d’effroi. Il tenta se protéger le visage lorsqu’une énorme masse lui bondit dessus, lui faisant perdre l’équilibre. C’était un loup qui venait de mettre à terre le sieur de Dieulouard et le combat fut vite expédié. Une fois Armand immobile, le loup se retourna vers Jeanne qui perdit connaissance.
Le souffle de la bête réveilla la belle. Le loup, couché à côté de Jeanne, la réchauffait alors que le froid vespéral gagnait le bois. Le regard de l’animal était sans cruauté et Jeanne se laissa aller à caresser le loup.
Le duc René était parti avec ses hommes à la recherche de Jeanne quelques heures plus tôt. Entendant les voix, le loup s’éclipsa juste avant que la petite troupe d’arrive. Les hommes trouvèrent Jeanne, et à peu de distance, le banni Armand de Dieulouard, gisant sans vie et défiguré.
Jeanne raconta l’histoire à son oncle. Celui-ci, en souvenir de l’aventure, interdit la chasse au loup autour de Nancy et fit construire une chapelle dans les bois de Malzéville, qui prit le nom de « Chapelle de la gueule du loup ». Jeanne quand à elle ne revit jamais son sauveur.
La réalité :
La chapelle tient en fait plutôt de l’oratoire. Elle est surmontée d’une gueule de loup au centre d’une croix, le tout sur fond vert. A l’intérieur on trouve un autel surmonté d’une statue de la vierge à l’enfant. La chapelle est située sur la territoire de Saint-Max, commune limitrophe de Malzéville. La légende se déroule bien à Malzéville, la chapelle a « simplement » été déplacée. Elle se trouvait auparavant au lieu-dit « La trinité ».
Le loup et le symbolisme sur le plateau de Malzéville :
Tout d’abord en regardant bien la carte du plateau de Malzéville, nous pouvons voir la gueule d’un loup. Alors d’accord, il faut un peu d’imagination, mais essayez donc de visualiser cette gueule de loup qui avait marquée l’esprit de nos anciens. Jean-Paul Ronecker nous rapporte la présence des lieux-dits « bois de la goulle (gueule)», « ruisseau de la gueule de loup ». Il apparaît également un ermitage de la gueule de loup, ainsi qu’en 1840 une auberge « A la gueule du Loup ».
Si vous n’avez vu ni Charlie, ni la face du canidé, voici grâce à mes incontestables talents de graphiste (et on ne se moque pas), l’origine de la toponymie.
Jeanne de Vaudémont :
L’héroïne de l’histoire est Jeanne de Vaudémont et même de Lorraine-Vaudemont. Fille de Ferry II, comte de Vaudémont et de Yolande d’Anjou, elle nait en 1458. En 1474 elle épouse Charles IV d’Anjou de 22 ans son aîné, avec qui elle n’aura pas d’enfant.
La légende la présente comme la nièce de René II, mais en fait celui-ci est son frère aîné.
On peut dater la légende puisqu’elle se déroule lors des 16 ans de la jeune fille, donc au cours des années 1474 ou 1475. Et comme elle se marie en 1474, c’est donc en cette année que se passe la légende.
Jeanne va décéder jeune puisque sa vie prend fin en 1480.
René II de Lorraine :
Né le 2 mai 1451, René II cumula les titres, bien sur comte de Vaudémont, il devient surtout duc de Lorraine et duc de Bar. S’il y a bien une action que l’on retient du duc de Lorraine, c’est sa victoire dans la bataille de Nancy sur Charles le Téméraire. Ce dernier d’ailleurs y perdra la vie.
On lui doit la basilique de Saint-Nicolas-de-Port (lieu d’autres légendes) et la reconstruction du palais ducal de Nancy, où notre légende débute. Les travaux du palais ducal se dérouleront de 1502 à 1512. Jeanne n’a donc connu que l’ancien palais qui n’avait pas le style flamboyant qu’il a aujourd’hui.
Il épouse Jeanne d’Harcourt lors d’un premier mariage. Ne pouvant avoir d’enfants, il la répudie et épouse Philippe de Gueldre (qui est bien une femme…) avec qui il aura 12 enfants (…la preuve) dont 4 vont mourir jeunes.
Je n’ai trouvé aucune interdiction de la chasse au loup qui aurait pu influencer l’histoire, dans la région nancéienne, autour de la période de la légende. Il est toutefois peu probable que la population se mette à protéger l’animal si redouté.
René II décède le 10 décembre 1508 après prit froid au cours d’une chasse au loup.
Armand de Dieulouard :
Le personnage semble inventé. Je n’ai pu trouver aucune trace de ce personnage. Dieulouard est une petite ville à quelques kilomètres au nord-ouest de Nancy.
La mort du personnage de la légende fait immanquablement penser à la fin de Charles le Téméraire. Celui-ci est retrouvé trois jours après la bataille de Nancy, le visage à moitié dévoré par les loups. La coïncidence est trop troublante pour n’en être qu’une. Il faut certainement voir dans le fourbe Armand de Dieulouard, la marque du Bourguignon, ennemi du « bon » duc René II.
Plan :
Voici le plan pour vous rendre à la chapelle de la gueule du loup. C'est à la limite Saint-Max/Malzéville juste sous le plateau, en haut de la rue des Fuchsias.
Légendes thématiquement proches :
Légendes géographiquement proches :
Bibliographie :
* Le loup de Malzéville. Site ygora.net.
http://www.ygora.net/nav/recits/contes/traditionnels/loups/malzeville.htm
lu le 07/03/08* Le guide de la Lorraine de l'étrange. Jean-Paul Ronecker. 1991. Page 149
*René II de Lorraine. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ren%C3%A9_II_de_Lorraine lu le 08/03/08
* Palais des Ducs de Lorraine. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Palais_des_Ducs_de_Lorraine lu le 08/03/08
* Charles le téméraire. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_le_T%C3%A9m%C3%A9raire lu le 08/03/08
Bataille de Nancy. Wikipédia. http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Nancy lu le 08/03/08
* Géoportail. IGN.
Iconographie (dans l'ordre d'apparition) :
* BRASCASSAT Jacques Raymond. Tête de loup.
* DESPORTES Alexandre François. La chasse au loup.
* Feyen-Perrin Auguste. Charles le Téméraire retrouvé après la bataille de Nancy.
4 commentaires:
Vraiment très étrange cette tête de loup sur une croix.
J'ai hâte de lire une autre légende lorraine...
On remarque bien, en effet, sur les cartes les contours de la gueule d'un loup... je n'y avais jamais fait attention !
Ton message a été copié-collé ici, Thérion :
http://nancyacoeur.blogspot.com/2011/11/la-legende-du-loup-de-malzeville.html#comment-form
J'ai demandé de mettre au moins le lien !
(Une ex du Couarail...)
Jolie légende rando à faire.
Enregistrer un commentaire