mercredi 5 mars 2008

[Croyance] La source de la chapelle Sainte-Anne de Broye

Chapelle Sainte-Anne de Broye - Epiez (Meuse)


La croyance :

Une ancienne croyance (1) conduisait les jeunes filles à la chapelle Sainte-Anne de Broye. Celles-ci, en trempant leur mouchoir dans la source du ru qui coule près de la chapelle pouvaient en apprendre plus sur leur futur mariage. Si un coin du mouchoir s’enfonçait dans les eaux, le mariage était dans l’année. Deux coins leurs devait faire attendre deux ans et ainsi de suite. Mais si jamais le mouchoir ne s’enfonçait pas du tout, c’était le signe que la jeune fille resterait célibataire.



La réalité :

La source se trouve à coté de la petite chapelle Sainte-Anne de Broyes près d’Epiez-sur-Meuse. Attention, le terrain est privé, il est donc… normalement… interdit d’y pénétrer, sauf lors du pèlerinage annuel. La chapelle en elle-même n’est pas un chef-d’œuvre d’architecture. Petite, blanche avec quelques arcades sur l’avant et un petit clocher, mais sa situation en pleine forêt rend la découverte très agréable. Elle date de 1843 suite à la destruction par un orage de la précédente en 1810. Dans la chapelle, se trouve une statue de Sainte-Anne qui date du 17ème siècle (2). Sur les hauteurs, une immense croix veille sur les lieux.



Ici se tenait un pèlerinage très fréquenté chaque 26 juillet (3). Il semblerait que le pèlerinage existe toujours (2).



Anne de Broye, une sainte ?

Mais qui est donc Sainte-Anne de Broye ? Tout d’abord notons les très nombreuses variantes du nom. On trouve Broye pour Roger Maudhuy (1), Broyés pour le service régional de l’inventaire (2), Broie sur de vieilles cartes postales, voire même Broix, Brois et Broyes dans un ouvrage de la société d’archéologie Lorraine (4). L’affaire semble bien compliquée.

Une rapide recherche dans la liste des saints reconnus par l’église catholique nous plonge dans des abîmes encore plus profonde : aucune Sainte-Anne de Broye n’est recensée. On a des Sainte-Anne de Guigné, de Jésus, de Saint Barthélemy et j’en passe, et bien sûr Sainte-Anne mère de la vierge Marie, mais point de Sainte-Anne de Broye. Pour l’abbé Genin (4), le nom de Sainte-Anne de Broye serait la concaténation de la fondatrice de l’ermitage avec Sainte-Anne (mère de la vierge) à qui auraient été dédiés les lieux.

Selon le service de l’inventaire (2), Anne de Broye aurait fondée un ermitage, dont la présence est attestée en 1510. Celui-ci serait rattaché au prieuré de Richecourt en Meuse et aux bénédictins de Laon. Cet ermitage aurait pu être construit sur les lieux d’un prieuré plus ancien dit « de Rosière » (3) (ou de Broyes selon l’auteur, mais comment le nom de Broyes serait arrivé avant Anne ?).

Anne de Broye serait la sœur d’un seigneur de Vaucouleurs ou de Vaux (4) (toutes deux en Meuse).

On trouve également la présence d’une Anne de Broye mais qui serait originaire de Reims qui fut Abbesse de l’abbaye de Val-de-Grâce à Bièvre (en région parisienne) vers 1513 (5). Serait-ce la même personne ? Il est fort possible qu’elle ait gagné Bièvre après son séjour à Epiez.



Conclusion :

Ainsi tout cela est bien confus. Vous allez me demander quel est le rapport avec la source. Et bien aucun semble t’il, où alors l’histoire l’a oublié. Il n’y a pas l’air d’y avoir de connections entre Anne (et le pèlerinage) et la croyance concernant la source.

Il existe ainsi beaucoup de sources ou de fontaines auxquelles la croyance populaire rattachait une capacité à prédire l’avenir et notamment les mariages. Nous en verrons très certainement d’autres plus tard.



On prend les mêmes noms et on recommence (6) :

Une autre légende nous rappelle des noms bien connus. A Broye, en Haute-Saône, il y avait au 16ème siècle une statue miraculeuse de Sainte-Anne conservée dans l’église Saint-Pierre. Dans le village voisin, à Heuilley, on considérait que la statue serait mieux traitée chez eux. Qu’à cela ne tienne, quelques habitants d’Heuilley vinrent chercher la statue pour changer sa demeure. Evidemment, les habitants de Broye ne voyaient pas les choses de la même manière, et après quelques échanges verbaux enflammés, ils reprirent la statue pour lui faire reprendre sa place d’origine. Mais quelques jours plus tard, la statue fut retrouvée dans un champ à Heuilley. Deuxième expédition et deuxième échec. Alors qu’ils voulaient franchir la Saône, un violent vent empêcha les habitants de Broye de franchir l’entendue d’eau. Preuve étant faite que la statue voulait restait à Heuilley, il fut construit une chapelle pour abriter la statue.

Alors, simple hasard toponymique ? Peut être… En tout cas la statue est toujours à Heuilley.


Plan :

Voici le plan pour vous rendre à la source. Pensez à prendre votre mouchoir ;) . Je vous rappelle que la source et la chapelle sont dans une propriété privée. Pour vous y rendre (quand même) c'est a pied depuis Epiez ou en se garant entre Epiez et Badonvillers puis 500 mètres à pied.


Légendes thématiquement proches :




Légendes géographiquement proches :


Bibliographie :

(1) La lorraine des légendes. Roger Maudhuy. 2004. Page 192.

Une référence sur les légendes lorraines. A lire absolument.

(2) Patrimoine de France. http://www.patrimoine-de-france.org/oeuvres/richesses-60-17047-120874-M77993-293804.html lu le 02/03/08.

(3) Recueil de documents sur l'histoire de Lorraine. Société d’archéologie lorraine. 1863. Pages 91.

(4) Epiez-sur-Meuse. Abbé Génin. Le pays lorrain Année 4. 1907. Pages 34-37.

Source très complète sur l’ermitage allant jusqu’à donner la liste des gardiens et l’histoire de la cloche.

(5) Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris. Jean Lebeuf. 1757. Page 419.

(6) Wikipédia. Heuilley-sur-Saône. http://fr.wikipedia.org/wiki/Heuilley-sur-Sa%C3%B4ne. Lu le 02/03/08

(7) Patrouille des dauphins : http://breese.blogs.com/dauphin26/2006/09/camp_2006.html lu le 02/03/08

Où j’ai pu trouver une photo de l’intérieur de la chapelle avec, peut être, la statue de Sainte-Anne.

4 commentaires:

Mélusine a dit…

Tu parles ici de mouchoirs et moi, dans un autre sujet , il s'agit d'épingles...
http://aupaysdemelusine.blogspot.com/2008/02/consultations-pour-le-mariage-les.html#links
mais l'idée reste la même : les jeunes filles avaient toujours besoin de connaitre leur avenir question mariage...
Quant aux saints et saintes... la population a ses héros, même si l'église les désapprouve... fions nous à ce peuple...

Therion a dit…

Effectivement mettre des épingles dans certaines fontaines semble le système qui fut le plus répandu.

Par contre je pense qu'il est très intéressant de suivre les saints et saintes, et notamment dans des zones comme la Meuse où l'église semble avoir eu énormément de pouvoir.

Tout d'abord parce que beaucoup de ces saints thaumaturges (faiseurs de miracles) sont en fait les nouveaux visages de nos héros ancestraux. Quand l'église s'est installée en Europe il lui a fallut lutter contre les anciennes croyances. Beaucoup de dieux celtes sont alors devenus des saints. J'en ai déjà parlé mais par exemple Mercure est devenu saint Michel. C'est ce que l'on appelle la christianisation. Les temples sont devenus des églises et les dieux des saints... Et voila comment opérer un changement de religion en douceur.
Par la suite les saints ont absorbé des légendes et croyances diverses. Car même une fois l'église bien implantée, elle a du lutter contre des supertitions, des croyances, des rituels, des legendes, etc. Encore une fois elle a christianisé autant que possible les personnages, les actions, les légendes... quand elle n'a pu les détruire.
Pourquoi Saint Nicolas est connu pour ses nombreux miracles en Lorraine alors qu'il n'y a jamais mit les pieds ? Pourquoi Saint-Michel vient tuer le Graoully dans la ville de Metz ? Il y a certainement eut un changement du héros de l'histoire. Il n'est pas possible de détruire la mémoire collective, mais on peut la modifier.

La deuxième raison qui oblige un peu à se tourner du coté des saints, c'est que par exemple en Meuse, il quasiment plus de traces des autres personnages "fantastiques". Preuve qu'en quelques siècles, l'église à fait place nette pour elle. Des coins comme les Vosges sont infiniment plus préservés et l'on y trouve un impressionnant bestiaire. Le bon air des montagnes, certainement.

C'est vraiment un sujet qui me plaît, et je tenterai d'écrire un petit article sur la christianisation à l'occasion. En tout soit sûr que ce n'est pas du prosélytisme.

Farfarelli a dit…

Tu exprimes bien mieux que je ne pourrai le faire mon idée sur le christianisme, les saints et les légendes s'y rapportant !!
j'ai hate de lire ce que tu pourras nous apporter en plus sur ce sujet !
Par contre, je voulais te prévenir que je vais profiter de quelques jours de congés pour faire des travaux dans la maison et ce, jusqu'à Pâques...
Je te retrouve dès que possible !
Amicalement

Therion a dit…

Merci beaucoup, je vais faire quelques recherches pour illustrer mes propos... mais ce n'est pas pour tout de suite.

Travaille bien et à bientôt.